Fumées noires

Sculptures, dimensions variables, ouate cardée, 2020–2021

“L’enfumage prenait des proportions inédites.”


Olivier Garraud, ADAGP

Les fumées vont commencer à apparaître dans mon travail à partir de 2020. Il faut dire qu’un an auparavant, le monde brûlait littéralement : l’Amazonie, l’Australie, la Californie, l’Afrique centrale, et dans l’Hexagone, l’usine Lubrizol et Notre-Dame de Paris.

En m’inspirant principalement de la situation amazonienne, j’ai décidé – au départ sur papier quadrillé – de m’emparer de cette forme et d’y inscrire des mots qui s’articulent avec les intérêts de l’agroalimentaire – encouragés par le président brésilien de l’époque, Jair Bolsonaro – tels que “profit” et “rentabilité”.1 

Mais ce travail ne s’arrête pas là et prend également la forme de sculptures, plus symboliques – sans mots cette fois –, tant ces fumées noires ont exercé sur moi une forme de fascination. Car elles matérialisaient à mes yeux, à l’ère du capitalocène,2 l’articulation entre effets et causes, réchauffement climatique et exploitation d’une planète que l’on détruit au nom du profit et de ce que la propriété a de plus fondamental : “usus, fructus, abusus”.3

Olivier Garraud

Extrait de la section Fumées noires, à retrouver en intégralité dans le texte L’Office du dessin dans la monographie éponyme, FP&CF, 2025
Production : Superflux
Crédits photographiques : Germain Herriau



1 – Voir à propos de l’Amazonie l’article suivant :
Ulysse Bellier, “Pourquoi l’Amazonie brûle-t-elle encore?”, Le Monde, en ligne, 19 août 2020.

2 – Contrairement au concept d’anthropocène, qui attribue de manière indifférenciée aux humains la responsabilité des dérèglements environnementaux, le concept de capitalocène — notamment défendu par le géographe Andreas Malm — désigne le capitalisme, et plus particulièrement le capitalisme industriel, comme vecteur central de la crise écologique en cours. 

3 – Les droits de propriété traditionnels, dans la continuité du droit romain, comprennent trois éléments fondamentaux :
L’usus : le droit d’utiliser la chose.
Le fructus : le droit d’en percevoir les profits (fruits, loyers, revenus).
L’abusus : le droit d’en disposer, c’est-à-dire de la modifier, de la vendre, de la donner ou même de la détruire.